Page:Cœurderoy - Jours d'exil, tome I.djvu/131

Cette page a été validée par deux contributeurs.

chassera l’homme ; — toute moisson et toute vendange seront foulées sous les pieds des soldats !

Car, dans ces jours de deuil, les hommes assisteront à des scènes de meurtre inconnues des temps barbares ; — les vaincus seront 55 fusillés, écartelés, pendus ; ils imploreront en vain les lois de la guerre. — De frêles jeunes filles se raidiront d’orgueil sous le fouet du Croate grossier ; — des femmes accoucheront dans les cachots infects, et baptiseront leurs nouveaux-nés de pleurs amers !

Car le ciel se voilera d’un nuage de sang. La Révolution, la vierge à l’œil sauvage, sera vue dans les rues populeuses, armant le bras du pauvre, soulevant des pavés, hérissant l’Europe de combattants. Des citadelles imprenables s’écrouleront à sa voix ; des rois puissants se prosterneront dans la poussière devant son sabre nu. Elle jettera cinq républiques en défi à la Sainte-Alliance.

Puis, sur les remparts de Comorn brillera la dernière torche de la guerre entre les mains de la Liberté.

Puis, vous prêterez l’oreille, mais en vain : vous l’appliquerez sur la terre, et la terre ne tressaillera plus ; au bruit confus des batailles, aura succédé le silence de la mort.

Et ce silence ne sera plus interrompu que de loin en loin par les édits des tyrans, par les sanglots des femmes, la bacchanale des troupes, le grincement d’une corde sur le bois de quelque potence, le bruit d’une tête qui tombe dans le