Page:Cœurderoy - Jours d'exil, tome I.djvu/125

Cette page a été validée par deux contributeurs.


RÉCIT.



51 Je comptais parmi les étudiants que renfermait Paris en 1848. Je n’avais que vingt-trois ans, et déjà les soucis m’avaient ridé le front. Car le temps, précurseur infatigable de la mort, met tout à profit pour nous frapper et atteint les premiers ceux dont la tristesse retarde la fuite. Dès que j’eus pensé, mon esprit suivit la fatale pente de la réflexion sur laquelle on ne s’arrête plus.

Fils unique de bourgeois aisés, mais parcimonieux, j’avais supporté en tiers les privations volontaires que s’imposaient mes parents, j’avais gémi chaque jour de leurs emportements sans motif, de leurs querelles sans fin. J’avais passé de longues heures à pleurer avec ma mère et à recueillir les imprudentes confidences de sa douleur. Car les larmes d’une mère tombent, comme un levain d’absynthe, au fond du cœur vierge de l’enfant.

Que les écrivains gagés chantent les menteuses félicités de la famille actuelle ; moi, j’en dirai les peines, trop réelles, hélas ! Je dirai ce qu’il y a