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sédera quand ils seront tristes, les cloches d’alarme le répéteront, et, sur les croix des tombes, les veuves et les orphelins le liront.

Mon père et ma mère se sont reposés après m’avoir engendré. L’esprit de divination de l’une, les aspirations de révolte de l’autre se sont mêlés dans mon sang. La moëlle de mes os crie. Je souffre tout ce qu’écrit cette plume.

J’ai mordu, plein d’avidité, dans le fruit de la science, et je me suis brisé les dents. Les docteurs riront, eux qui dépouillent les fruits savoureux avec des couteaux de vermeil, et laissent les noyaux à leurs secrétaires.

Ils me demanderont pourquoi j’ai fait ce livre ; je répondrai :

Parce que l’enfant trépigne quand on commet une injustice devant lui ; — parce que le marin, qui voit blanchir les vagues au 46 loin, sait qu’elles apporteront bientôt des cadavres au rivage ; — parce que l’homme, qui ne se préoccupe point des intérêts présents, sent avec le cœur d’un enfant, et voit avec le coup d’œil d’un homme de mer.

Malheur à ceux qui ne voient et ne sentent que comme des millions de civilisés ! Ils seront trouvés légers dans les plateaux de l’éternelle balance.

Gloire à toi, liberté !