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45 Chiens de grande maison, qui vous portez bien et mordez dans l’ombre ; — loups de grande forêt, maigres et courageux ! Vous tous qui avez une veine sous la peau, un muscle sur les os, vous dont les oreilles entendent et les yeux voient encore !… Écoutez-moi.

L’abîme des âges futurs m’attire. Au fond, je vois le Temps qui aiguise son fer sur des ossements, et qui fauche les générations comme l’herbe des prairies.

Le Temps est plus puissant que moi, qui ne suis qu’un homme mortel. Ce qu’il me force à dire, je le dirai :

Malgré le rire du sarcasme et les hurlements de la haine ; malgré la furie des vagues humaines que mes paroles soulèveront comme un grand vent ; malgré les filets que les partis tendent sur ma voie.

Car l’explosion de mon rire et le rugissement de mon ironie seront plus forts que leurs chuchottements. Car je me bercerai sur leurs vagues, et leur bruit sera doux à mon oreille. Et je déchirerai leurs filets avec mes dents.

Je fuirai les civilisés partout, parce qu’ils ont juré de me faire taire. Mais je laisserai derrière moi des menaces qui les feront trembler. On les entendra comme le roulement du tambour sur mer, longtemps après que le navire a passé.

Je fuirai les civilisés partout, parce que le bruit de leurs petites affaires détournerait mon attention du grand œuvre des temps. Mais mon nom les ob-