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tillant, au milieu des livres, des tableaux et des fleurs ; — vous dont les pieds s’appuient sur des tapis moëlleux, et les reins sur des divans ; — vous qui vous reposez de courtes journées de travail par de longues nuits de plaisir :… vous ne savez pas ce qu’il faut de persévérance pour rédiger, mettre au jour et faire circuler un livre comme celui-ci. Jamais vous n’avez fait de littérature en contrebande.

Quand vous écrivez, vous n’avez pas peur que la police vous trouble par une visite domiciliaire, et plonge vos travaux dans ses oubliettes. Vous n’avez pas besoin de traverser la mer pour aller chercher, dans les bruines de Londres, les seules typographies qui consentent à reproduire votre pensée. Vos livres sont payés, annoncés, répandus à l’avance. Vous ne vous êtes jamais privés de rien pour économiser sou par sou les sommes que demandaient l’imprimeur, l’éditeur et le contrebandier. Vous n’êtes pas obligés de mesurer la longueur de vos phrases au poids de votre bourse, 41 cruel supplice ! Vous vivez à Paris, à Londres ou à Vienne, vous avez sous la main tous les documents nécessaires. Vous êtes riches ; vous prenez pour secrétaires de pauvres jeunes gens pleins d’intelligence, qui vous tressent des couronnes en échange d’un morceau de pain. Et vous vous écriez : « Notre société, épanouie comme une fleur à la rosée et au soleil, s’étale de toutes parts aux yeux charmés qui la contemplent. » — Quand Auguste avait bu, la Pologne était ivre.