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versel et de rapporter tout à lui. L’histoire, c’est lui ; l’art, c’est lui ; la poésie, c’est lui. Tout est dans lui ; il est dans tout. L’égoïsme est le salut de tout être. L’amour de soi régit l’humanité. Quoi de plus naturel, donc, que je trouve ce que je fais mieux que ce que font les autres ? Les adversaires de Sterne lui reprochèrent beaucoup ce passage. Et cependant, il n’est pas un auteur qui n’ait pensé ce que Sterne écrivait, moitié riant, moitié philosophant, selon sa coutume.

Pour moi, je tiens tellement à l’intégrité de ma pensée, que si jamais je devenais célèbre, mon plus grand supplice serait d’être commenté par les bibliophiles. Quelle rage ont ces gens-là de 39 charbonner leurs noms sur les murs des monuments ! Ils croient faire honneur à Goëthe, à Shakespeare, à Hoffmann lui-même en les expliquant ! Profanateurs du génie, combien l’éditeur Charpentier vous paie-t-il par étiquette ? Mon Dieu ! délivrez-moi du mal, je veux dire des faiseurs de préfaces. La gloire devient poison quand ils trempent leur plume dans sa coupe éternelle.

Gloire à toi, liberté !

Celui-là construit sur le sable, qui compte sur les éloges de ses semblables. Je ne solliciterai point les caresses des hommes politiques ; ce n’est pas moi qui compterai sur l’appui d’un parti. Celui qu’on déchire crie. Les vengeances des partis sont les plus atroces des vengeances. En attaquant tout le monde, j’évoque le scandale, je cours au devant des haines.