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lerais de titres à la suite de mon nom, plus j’annihilerais mon caractère individuel, pour le confondre, par une infinité de points de contact, avec les caractères de l’espèce. Plus je me rendrais semblable à tous et différent de moi-même. Tout le monde peut devenir docteur en médecine, interne des hôpitaux, délégué du peuple, et membre de sociétés savantes et étrangères, mais personne ne peut être moi, et je ne puis être personne autre. Mon nom est l’épigraphe de ma vie. Mes titres n’apprennent rien de moi, mes distinctions ne me distinguent pas. Elles peuvent, au contraire, faire soupçonner à beaucoup que je partage les préjugés de la gent médicale et politique. Aussi je tiens infiniment à mon nom, et pas du tout à mes titres.

Il n’y a que les dignitaires qui refusent de comprendre cette vérité si simple. L’orgueil de ces gens-là ressemble à celui du mulet qui porte la sonnette, et du cheval que monte le postillon. Plus ils sont esclaves, et plus ils sont fiers. Dignité de mâtins qui se disputent un os !

Les titres sont des colliers, et les dignités des chaînes. Les premiers des fonctionnaires sont les derniers des valets.

Gloire à toi, liberté !

Sterne, l’amer critique, disait qu’il était décidé à ne lire de sa vie d’autres livres que les siens. C’était notre plus intime secret que Sterne trahissait ainsi. Car il est dans la nature de l’homme de se considérer comme le centre du mouvement uni-