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Si je recherchais le succès, je n’aurais d’autre ressource que le désespoir. Car le succès ne patrone que ceux qui traduisent servilement l’opinion du public. Or, j’estime que la pensée, c’est l’homme ; et que celui-là n’est qu’un esclave qui n’ose pas dire ce qu’il pense. Je serais humilié d’être de l’avis de tout le monde.

Gloire à toi, liberté !

L’orgueil ne m’aveugle point, mais j’ai confiance en moi. L’écrivain est soumis aux mêmes impressions que ses lecteurs. Quand il me vient une idée paradoxale, j’hésite à l’admettre ; je suis effrayé de ma propre audace. Et puis, à mesure que je l’examine de plus près, je me rassure et j’écris, forçant le cerveau public à soutenir la lutte qu’a soutenue le mien. Bien certainement, pas un de ceux qui me liront ne s’emportera contre moi comme je l’ai fait moi-même.

Que me fait, après cela, la désapprobation générale ? Ceux qui la distribuent n’auront certainement pas réfléchi tant que moi sur les propositions que j’avance ; aucun ne me jugera plus sincèrement que je ne me suis jugé. Je le répète, je suis sans intérêts et sans craintes.

Gloire à toi, liberté !

Au surplus, qu’est-ce qu’un livre ? Une conversation un peu plus réfléchie que les autres, à la portée de quiconque est en mesure de régler avec un imprimeur. Le public a le droit de me deman-