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Papineau

vons à les lire une sensation de fraîcheur comme après avoir monté une côte en plein soleil, la tête lourde de parfums et les yeux éblouis de couleurs vives, nous buvons à même la source l’eau venue du roc. Ils n’ont pas été les roitelets qui se sont accrochés à l’aile de la France pour se faire voiturer dans l’infini. Les Crémazie, les Fréchette, les Chapman savaient tout le parti qu’ils pouvaient tirer en chantant la mère patrie, aussi ont-ils taquiné toute leur vie cette corde sentimentale qui s’obstinait à ne pas vibrer sous leur doigt gourd. Les journaux du temps n’ont pas une épopée, pas une chanson à l’adresse de la France. On dirait même qu’ils lui gardent une certaine rancune de s’être trop vite consolée de la séparation. Ils ne savent pas faire de subtiles distinctions entre la France de Richelieu et celle de la Pompadour. Ils la sentent lointaine et détachée d’eux et n’en parlent pas — peut-être aussi parce qu’ils y pensent trop. Le silence est aussi une des formes de la douleur. Qui sait s’ils ne craignaient pas, en évoquant le souvenir de celle dont l’invisible présence planait sur la Nouvelle-France, d’exciter la jalousie de la belle-mère, l’Angleterre.

Mais Papineau, lui, ne devait pas avoir de ces scrupules. Il ne mettait pas de gants pour parler aux Anglais. Il avait d’autres préoccupations que de blesser les susceptibilités anglo-saxonnes. Quoi qu’il en soit des raisons qui ont imposé à notre siècle ce mutisme absolu à l’endroit de la France, les Anglais, eux, n’ont pas dépouillé le vieil homme. Ils se réclament toujours de l’Empire et tout en s’acclimatant ici, leur cœur est resté à la vieille Angleterre. Ils n’ont pas le désir des puritains des États-Unis de fonder ici une nouvelle patrie. Ils n’aspirent jamais à briser le lien colonial. Leur fortune faite, comme les Chinois, ils n’ont qu’une ambition, aller finir leurs jours « in the old country ». Ils considèrent le Canada comme un lieu de passage. C’est ce qui empêche la formation de liens de fraternité entre les Français et les Anglais au Canada.

S’ils veulent des écoles bilingues dans les grands centres, c’est pour assimiler notre nationalité. L’entente cordiale