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Papineau

tre de défenseur de la religion aurait dû lui valoir une page dans l’Histoire du Canada des Frères des Écoles Chrétiennes. Mais il partage avec Papineau l’honneur de ce silence éloquent dont on enveloppe comme d’un suaire ceux que l’on veut rouler dans le néant. C’est un bienfait du destin pour Papineau de n’être pas confondu avec les lampions tremblotants, les quinquets fumeux qui brûlent en s’éteignant dans les beaux chandeliers d’or où la partialité les a fixés.

M. Barthe dans ses « Souvenirs politiques » a rendu hommage au grand protestant, ce qui prouve qu’il n’y avait pas d’esprit sectaire chez les vieux Canadiens : « Seul l’héroïque Calvet, écrit-il, fit un rempart de son corps à sa race en protégeant, bien que huguenot, ses droits civils et religieux au nom de la justice divine, puisqu’on faisait si lestement fi de celle qu’avaient établie et consacrée les Francs. » Il importe d’ouvrir ici une parenthèse pour mettre une question au point. Sans nier ce que le clergé a fait dans la Nouvelle-France pour la conservation de la langue française, il est bon de rappeler ce que l’Église doit à l’esprit laïque. Toute la reconnaissance ne saurait être d’un côté. Il est certain que si les Canadiens-français avaient voulu sacrifier leurs prêtres, ils auraient obtenu toutes les prérogatives qu’ils réclamaient. Souvent, on leur mit le marché en mains, mais ces braves gens refusèrent le denier de Judas. Ils firent preuve d’une ampleur d’esprit dont beaucoup sont incapables aujourd’hui. Après s’être servi de Du Calvet et de Papineau pour arriver à leurs fins, les catholiques qui ont écrit l’histoire les ostracisent par un demi-silence dont l’injustice est flagrante. Il faut beaucoup d’élévation de caractère pour épouser, au nom du droit commun, une cause qui vient à l’encontre de ses sympathies religieuses. Est-ce qu’il n’est pas dans l’intérêt de toute religion de glorifier la vertu ? L’abaissement des caractères est venu parce que l’on n’a pas élevé d’autel à l’Honneur. Les Grecs dressèrent un temple au « dieu inconnu, » pourquoi n’en pas faire autant chez nous pour cette divinité qui n’a pas de culte ni de rite, mais à qui nous sommes redevables des plus beaux traits de notre histoire ?