Page:Côté - Papineau, son influence sur la pensée canadienne, 1924.djvu/50

Cette page a été validée par deux contributeurs.
35
Opportunisme de l’Église

un fils qui eut la « tête » de l’évêque Plessis. À Québec peut-être, mais à Montréal, quand on voulait parler d’un homme de talent on disait : C’est une tête de Papineau. On ne vole pas les gens en les dépouillant de ce qui ne leur appartient pas. L’orateur de l’assemblée a droit à sa légende comme Napoléon et d’autres grands hommes. Ne lui ôtons pas ses plumes de paon pour en parer un autre qui a déjà un assez beau plumage, et dont le front n’a pas besoin de cette huppe orgueilleuse pour s’imposer à l’admiration de la postérité.

Ne laissons pas s’accréditer une erreur que certains historiens, partisans du gouvernement ou de l’Action française, ont intérêt à faire circuler : que la révolution fut un échec, que le sang a été versé inutilement, car le temps et la diplomatie pouvaient avoir raison, dit-on, des difficultés qui existaient entre les maîtres et les vaincus. Les uns ne veulent pas que le sang du juste retombe sur la tête des Anglais ; les autres par fanatisme, pour diminuer un homme qui n’a pas été enterré en terre sainte, s’efforcent de montrer l’inanité de son sacrifice et de faire croire à l’avortement de son œuvre. Pour que l’Église garde dans l’histoire une belle attitude, ils veulent légitimer la condamnation des révolutionnaires. C’est une canaillerie qui peut trouver grâce devant leur conscience dont la belle rectitude fut faussée par une piété mal entendue, cette bonne intention ne les excusera pas devant la postérité. Il n’est pas nécessaire d’abaisser l’un pour élever l’autre. Il fallait montrer plutôt dans quel douloureux dilemme se trouvait l’Église obligée de désavouer ceux qu’elle avait encouragés d’abord à la résistance, parce que des intérêts d’un ordre supérieur et divin la contraignaient à agir de cette façon. Mise dans l’obligation de sacrifier les plus grands, les plus généreux de ses enfants pour sauver son existence au Canada, elle a fait taire ses sentiments naturels pour obéir au mobile supérieur, qui lui ordonnait de tout quitter pour sauver la barque de Pierre menacée. Ce geste shakespearien vaut la peine d’être souligné, il l’absout des accusations qui ont pu peser sur elle quand on ne sait pas quelle main de fer en arrière broyait sa volonté dans un étau pour obtenir sa