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Papineau

il s’affaissa sur son siège, blanc comme un suaire. On crut un instant qu’il allait s’évanouir, mais il parvint à surmonter son émotion. Le courage et les sublimes sentiments exprimés par Duquette à ses derniers moments, la crânerie si française de Hindelang, la belle résignation de Robert, de Hamelin, des deux frères Sanguinet, du notaire Decoigne, de Narbonne, de Daunais, la tirade enflammée de Hindelang, au moment où le bourreau s’apprêtait à lui passer la corde au cou : « Liberté ! Liberté ! qu’il serait beau de mourir pour toi ! Qu’il serait beau faire comprendre aux Canadiens tout ce que tes amants reçoivent de force et de courage en te servant… Vive la Liberté ! »

Papineau pleura… Mais il ne voulait pas qu’on prît ses larmes pour de la faiblesse, pour de la pitié : « C’est d’orgueil que je pleure… », disait-il. Il avait raison d’être fier de ses coopérateurs. Ils étaient une magnifique démonstration de ses théories libertaires. « Le dernier banquet des condamnés, qui rappelait celui des Girondins », selon M. David, les avait disposés à bien mourir. Ces stoïciens trinquèrent à la liberté et portèrent des toasts à l’indépendance du Canada. Les discours coulaient plus généreusement que le vin. Mais ils s’attendrirent moins sur leur sort que sur celui des veuves et des orphelins. Quand à l’aube, le geôlier vint les chercher pour le sacrifice suprême, tous marchèrent d’un pas assuré vers la potence. Hindelang seul refusa le secours du prêtre à ses derniers moments. Il se contenta d’incliner la tête pendant qu’on récitait les dernières prières pour les suppliciés. Il trouva dans son sublime sacrifice la force de voir venir la mort. On n’a rien à redouter de l’éternité quand on s’est absolument dévoué pour le bien d’autrui… Mais la pensée de Papineau se reportait toujours sur DeLorimier, son disciple le plus cher, celui qui, suspendu à ses lèvres dans les assemblées politiques, buvait ses paroles comme une liqueur de flamme. Sur un geste, sur un signe du grand homme, il eut risqué cent fois sa tête. Ces paroles surtout retentissaient à son oreille : « Le crime est dans l’irréussite ! !… » C’est vrai que Washington, Guillaume Tell n’étaient pas plus grands que ces modestes héros et si le succès