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Papineau en exil

ge : « Je meurs sans remords, je ne désirais que le bien de mon pays dans l’insurrection et l’indépendance. Mes vues et mes actions étaient sincères et n’ont été entachées d’aucun des crimes qui déshonorent l’humanité et qui ne sont que trop communs dans l’effervescence des passions déchaînées. Depuis dix-sept et dix-huit ans, j’ai pris une part active dans tous les mouvements et toujours avec conviction et sincérité (Un feu de paille qui flambe pendant dix-huit ans) — Mes efforts ont été pour l’indépendance de mes compatriotes. Nous avons été malheureux jusqu’à ce jour. La mort a déjà décimé plusieurs de mes collaborateurs. Beaucoup gémissent dans les fers, un plus grand nombre sur la terre d’exil avec leurs propriétés détruites, leurs familles abandonnées sans ressources aux rigueurs d’un hiver canadien. Malgré tant d’infortunes, mon cœur entretient encore du courage et des espérances pour l’avenir ; mes amis et mes enfants verront de meilleurs jours. Ils seront libres, un pressentiment certain, ma conscience tranquille, me l’assurent. Voilà ce qui me remplit de joie quand tout est désolation et douleur autour de moi. Les plaies de mon pays se cicatriseront après les malheurs de l’anarchie et d’une révolution sanglante. Le paisible Canadien verra renaître le bonheur, la liberté, sur les bords du Saint-Laurent. Tout concourt à ce but, les exécutions même, le sang et les larmes versés sur l’autel de la liberté arrosent aujourd’hui l’arbre qui fera flotter le drapeau des deux étoiles des Canadas. Je laisse des enfants qui n’ont pour héritage que le souvenir de mes malheurs. Pauvres orphelins, c’est vous que je plains, c’est vous que la main ensanglantée et arbitraire de la loi martiale frappe par ma mort. Vous n’aurez pas connu la douceur d’embrasser votre père aux jours d’allégresse, aux jours de fête. Quand votre raison vous permettra de réfléchir, vous verrez votre père qui a expié sur le gibet des actions qui ont immortalisé d’autres hommes plus heureux. Le crime de votre père est dans l’irréussite ! » Papineau toujours solennel, avait lu debout cet ultime message du brave DeLorimier, mais il avait présumé de ses forces, arrivé à la dernière phrase,