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Papineau

n’entendait pas la religion de la même manière que le curé de Saint-Eustache, c’est-à-dire qu’il ne croyait pas, après qu’il avait soutenu les insurgés, avoir le droit de se retirer du mouvement au moment le plus critique, quand l’idée sortait de l’abstraction pour prendre un corps sanglant. Aussi, au moment du danger, il se rendit au camp des rebelles, à Saint-Eustache, pour leur presser la main et les encourager à la résistance suprême. Toutefois, l’abbé ne dissimulait pas son inquiétude d’âme. Il se confia à ses amis.

— Eh bien ! me voilà en butte maintenant à l’autorité ecclésiastique, il me faudra double courage.

Noble prêtre ! Il ne trouvait pas d’arguments spécieux, de distinguos subtils pour trahir son patriotisme ardent. Quand tous les autres réintégraient leur coquille, lui, sans lâches égards pour sa soutane, restait au blanc. Cette opposition des hauts dignitaires de l’Église à la participation de clergé au mouvement insurrectionnel était de date récente : « Me voilà en butte maintenant à l’autorité ecclésiastique », s’écriait M. Chartier. Il comprenait que cette volte-face subite du clergé compliquait une situation difficile et compromettait le succès de la révolution. Il oublia son caractère sacré pour se souvenir qu’il était Canadien-français d’abord.

On sonna l’alarme pour annoncer ce qu’on croyait être l’arrivée des soldats Anglais, mais c’était simplement une compagnie de volontaires canadiens sous le commandement de M. Globensky, un citoyen d’origine allemande, qui avait pris racine au pays, et absolument dans la tradition de sa race, puisqu’il trahissait ses frères d’adoption. Dans un gros livre son fils, le seigneur Globensky, a vainement tenté de réhabiliter la mémoire de son père. Il porte dans l’histoire la marque indélébile de sa trahison.

L’escouade de renégats se mit à faire feu sur les patriotes. Dans la confusion de l’attaque, Chénier les prit pour les soldats de Colborne et fonça sur eux. Un coup de fusil tiré à distance l’avertit de son erreur. L’armée anglaise n’était plus qu’à quelques pas des Loyaux. L’infanterie, la cavalerie,