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Batailles de St-Denis et St-Charles

Un instant les cœurs sautèrent, pris d’une folle allégresse, car on avait toujours compté sur la coopération des fils de l’oncle Sam. Mais on commença à déchanter quand, rendus sur la rue, tous reconnurent le malheureux qui battait la campagne, et innocemment s’était payé la tête des Montréalais.

Tant de deuils, après tant de morts, ne faisaient que rendre plus inébranlable la volonté de résister jusqu’au bout. Si tout chancelait au dehors, ceux qui restaient dans la ville étaient bien décidés à vendre chèrement leur vie. La misère croissait avec le danger, mais les patriotes ne faiblissaient pas. La vue des Canadiens-français renégats, les bureaucrates, les loyaux comme on les appelait, excitait leur colère. Les patriotes les haïssaient plus que les Anglais. Quand vêtus avec élégance, le cigare au bec, ils passaient insolemment sur la place publique, flanqués d’un volontaire ou d’un agent de police, ce n’est pas des injures, des lazzis, qui venaient à la bouche des rebelles, mais une écume roussâtre. Ils rageaient, obligés de se tenir à quatre pour ne pas sauter sur ces capons et les étrangler. Ils étaient gardés à vue comme des malfaiteurs, des perturbateurs, par le sabre anglais, par la faute de ces traîtres qui les avaient lâchés au moment le plus critique de notre existence nationale !