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Papineau

et cerner le fort improvisé. Mais à la quatrième charge, il fut blessé. La confusion se mit dans les rangs de son armée, et les « habits rouges », sous le prétexte de refaire leurs forces épuisées, durent battre en retraite. Dans leur hâte d’aller ravitailler, ils oublièrent d’emporter leur canon.

Les Canadiens-français, bons enfants, les laissèrent filer et chantèrent victoire. Cette bataille avait coûté la vie à une cinquantaine de personnes. Parmi les morts, se trouvait Joseph Perrault, un jeune et brillant avocat de Montréal. C’est à la guerre surtout, que les jours se suivent mais ne se ressemblent pas.

Le 25 de ce même mois de novembre, la joyeuse armée, qui avait triomphé à Saint-Denis, se faisait battre à Saint-Charles par le colonel Witterall. Les Canadiens-français furent embrochés par les baïonnettes anglaises…

Un ténébreux mystère plane sur ce deuxième acte du drame. Pourquoi les vainqueurs de Saint-Denis ne sont-ils pas venus au secours des assiégés de Saint-Charles, quand ils n’en étaient éloignés que de quelques milles ? Il y eut perfidie et trahison quelque part. Comment se nomme le Judas qui a vendu ses frères à l’ennemi ? Les papiers du gouvernement nous l’apprendront-ils ?

Mais à Montréal les citoyens n’étaient pas non plus sur un lit de roses. Dès les premières escarmouches, la loi martiale était entrée en force, et, avec elle, la terreur régnait dans la métropole. La plupart des foyers canadiens-français, privés de leurs chefs, étaient dans la désolation. Les uns se trouvaient en prison, les autres dans les campagnes où l’on se battait. Le gouvernement assembla la garde mobile et enrôla des volontaires. Il plaça des piquets de soldats rouges partout. Les femmes et les enfants n’osaient sortir de leurs maisons pas même pour aller chercher le prêtre ou le médecin. Un jour, un pauvre idiot devenu furieux après l’assassinat de son père par les Anglais, fit toute une sensation en criant par la ville de toute la force de ses poumons : « — Hurrah ! Hurrah ! Voilà les Américains qui viennent nous délivrer de la tyrannie !… »