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Batailles de St-Denis et St-Charles

milieu de la nuit pour céder leurs confortables demeures aux patriotes, et ceux qui n’étaient pas partis, réclamaient la protection du gouvernement pour mettre fin à une situation intolérable. Le matin du 22 septembre 1837, les habitants des comtés du Sud apprirent, avec plus de colère que de surprise que le colonel Gore, parti de Sorel, marchait sur Saint-Denis. L’éveil fut donné et le village attendit les assaillants sans s’émouvoir. Gore, arrivé à Sorel, divisa sa petite armée en trois corps. Le premier devait longer la rivière, le deuxième, traverser la forêt, et le troisième, suivre le chemin du roi, avec un canon. À neuf heures, les Anglais furent signalés sur la route de Saint-Denis par Nelson posté en éclaireur au Chemin de Saint-Ours. Il tombait une pluie fine qui le trempait jusqu’aux os, la brume était si dense qu’il faillit être capturé par l’ennemi. S’apercevant à temps de son erreur, il tourna bride, s’enfuit au galop, faisant couper le pont en arrière de lui. Sa grosse voix sonore claironnait :

— Levez-vous !… Aux armes !… pendant qu’il traversait la campagne comme un cavalier fantôme. En arrivant au village, il fit sonner le tocsin. Immédiatement tout le monde fut sur pied. Mais Nelson, maintenant qu’ils étaient prêts à l’attaque, hésitait à conduire ses hommes à la boucherie. Il leur dit :

— Je ne veux forcer la volonté de personne… si vous voulez, nous nous rendrons, plutôt que d’être pris comme des criminels… Singulière proposition, tout de même, de la part d’un commandant, avant que la situation fut désespérée…

La réponse des Canadiens-Français ne se fit pas longtemps attendre. Ils prirent sur l’heure leurs quartiers dans une vieille maison en pierre et un feu plus ou moins nourri s’engagea entre les Anglais et les assiégés.

Les insurgés étaient en belle position pour tirer sur leurs ennemis et ils profitèrent de leurs avantages. Devant une résistance qu’il ne pouvait vaincre, le capitaine Markham, obéissant à l’ordre du général, se mit à la gauche de son armée et tenta un mouvement de flanc pour envelopper le village