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Le souffle de la Réforme

attachés à l’Angleterre. Le destin nous a libéré de l’entrave qui arrête le développement d’un peuple. Parodiant la chanson, nous pouvons dire : « Mon cœur, mon sang, ma vie au Canada, mon âme à la France. » Aimons-le, le pays d’où nous sommes sortis, mais d’une sentiment purement platonique. La Nouvelle-France est notre patrie, c’est la réalité, l’autre est le souvenir, le rêve, l’une est le passé, l’autre l’avenir. La rivière ne remonte pas à son lit et le nuage qui passe ne revient plus. Soyons Canadiens d’abord, catholiques, protestants, libres-penseurs, peu importe. La conscience est à chacun, mais la patrie est à tout le monde. Si nous savions ce que dans l’ordre social, politique et moral, nous devons aux protestants, les libertés qu’ils nous ont données, parfois à notre corps défendant, nous n’aurions pas pour eux ce sentiment de défiance et d’hostilité qui paralyse leur bon vouloir et nous prive de leur appui moral. Voulez-vous savoir ce que le protestantisme a fait pour la libération de notre société, lisez cette page de La Hontan, vous verrez sous quel régime oppresseur nous vivions avant la conquête :

« Les prêtres persécutent jusque dans l’intérieur et les domestiques des maisons. Ils ont toujours les yeux ouverts sur la conduite des femmes et des filles. Pour être bien dans leurs papiers, il faut communier tous les mois. Chacun est obligé de donner à Pâques un billet de son confesseur. Les prêtres font la guerre aux livres : il n’y a que les livres de dévotion qui vont tête levée, tous les autres sont condamnées au feu…

« Les gouvernements politique, civil, militaire et ecclésiastique ne sont, pour ainsi dire, qu’une même chose au Canada, puisque les procureurs généraux les plus rusés ont soumis leur autorité à celle des ecclésiastiques. Ceux qui n’ont pas voulu prendre ce parti s’en sont trouvés si mal qu’on les a rappelés honteusement. Je pourrais en citer plusieurs qui pour n’avoir pas voulu adhérer aux sentiments de l’évêque et des Jésuites, ont été destitués de leurs emplois et traités ensuite à la cour