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Le souffle de la Réforme

les idéaux anglais. La conséquence, c’est qu’il n’y a pas eu d’écrivains ni d’artistes chez nos anglicisés. En perdant le génie de notre race, ils n’ont pas pu s’approprier le génie anglo-saxon. Il manquera toujours quelque chose à ceux qui ne savent pas la langue de Molière. De combien de jouissances ils sont sevrés ! Il ne faut pas écouter ces dangereuses sirènes, qui nous chantent le roman de l’entente cordiale par la fusion des races et l’abandon de notre idiôme maternel. Elles veulent ainsi nous détacher du sol et nous entraîner vers le grand tout anonyme de l’impérialisme, où se perdra notre personnalité ethnique.

Soyons protestants, si l’on veut, mais restons français. Ajoutons une corde à notre arc, outillons-nous pour le « struggle for life » en apprenant l’anglais, mais que ce soit la langue surnuméraire. N’oublions jamais ce qu’il en a coûté à nos aïeux pour nous transmettre un instrument de libération. Qu’elle soit comme le génie familier de Socrate, qu’elle vienne à notre aide quand notre courage faiblit.

Craignons également ces défaitistes qui vous diront que les Canadiens sont des dégénérés, qu’ils parlent le patois, aussi différent du « parisian french » que le strass du diamant. Quand pour tirer du grand, ils affectent de mépriser leurs compatriotes, ce sont eux qui méritent notre mépris. Sans doute, notre race n’est pas sans défaut, mais il faut tenir compte de son évolution difficile. Une race noble et fière ne tombe pas du ciel. Les biologistes nous apprennent comment on guérit les peuples avariés, — et ils le sont tous aujourd’hui — comment on les tire de leur passagère déchéance, comment on les crée tout d’une pièce même, quand les gouvernements veulent bien nous aider, et il le voudra si l’élite lui impose sa volonté. Ce remède qu’il s’agit de lui administrer, c’est l’instruction obligatoire.

Substituons donc un vigoureux optimisme au découragement que certains esprits forts veulent nous communiquer, quand ils nous prédisent que dans cent ans, les Canadiens français seront disparus du Canada. Un écrivain français a prédit, au contraire, que les Canadiens français constitueraient une aristocratie en Amérique. Il faut croire aux prophéties quand elles sont