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Le souffle de la Réforme

2. On confond généralement avec le protestantisme, certaines sectes d’hallucinés et d’hystériques, de névrosés et de mystiques, qui sont à la religion de Luther, ce qu’est une verrue sur la figure d’une belle femme. Comment Papineau, si viril, sain d’esprit et de corps, aurait-il eu de la sympathie pour l’Église réformée, si elle avait accusé de pareilles tares ? Il inclinait pourtant vers le protestantisme de toute la force de sa nature, tout en abhorrant les Anglais. Les ministres pionniers de la civilisation du Canada n’étaient pas des visionnaires.

Notre peuple, qui a hérité du bon sens français, se moque de cette hypertrophie du sentiment religieux. Ces novateurs éloignent du protestantisme, les Canadiens français idéalistes sans être imaginatifs : le mysticisme outré leur déplaît. Ils s’attachent à la forme extérieure du culte, plus qu’à son essence ; leur foi ne laisse pas terre pour se perdre dans les nuages. Ils n’ont pas de ravissements au troisième ciel. Ils sont avant tout partisans de la mesure et du tact.

Un jour, par simple curiosité, nous sommes entrée dans un temple de la Pentecôte d’où s’échappaient des cris et des hurlements, à faire dresser les cheveux. Une sorte d’énergumène, à la porte de l’église, s’exclamait : Entrez, entrez, venez recevoir l’Esprit saint, pour être des hommes nouveaux !…

Comment rendre l’obsession, dans la pénombre du temple, de cette rumeur d’une foule disparate, qui priait à tue-tête, dans un diapason si élevé, que le tympan en était irrité ? Comment dire la hantise de ces faces exsangues, l’aspect atone et blanc de la peau tirée et l’accent circonflexe des sourcils. Le visage des religieuses de certains ordres contemplatifs s’affadit de la même façon sous le linge de la coiffe. De vieilles femmes, les cheveux hérissés en couronne d’épine, criaient : « Seigneur, éloignez de mon mari le démon de l’ivrognerie, sauvez son corps, sauvez son âme ! » Des jeunes filles saisies de spasmes convulsifs se roulaient par terre ; d’autres se pâmaient dans un délire extatique, en proie, on eût dit, à quelque attaque épileptique, à laquelle on attribue une vertu curative, le don de prophétie et la vision intuitive. Des hommes se dres-