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Papineau

souvent, le défenseur du catholicisme, par manque de présence d’esprit, par timidité ou faute d’érudition, ne s’en tirait pas toujours avec les honneurs de la guerre et au lieu de faire des conversions, on perdait des âmes.

Chiniquy, en entrant dans l’Église réformée, y transporta un élément de combativité, qui un instant galvanisa ce corps inerte. Il employa à détruire ses anciennes croyances la même passion, la même fougue qu’à les défendre autrefois. Du bec et des griffes, par la parole et par la plume, il s’attaqua à la religion de son enfance, durant un demi-siècle. Il fut la terreur de l’Église. Mais s’il donna des coups, il en reçut lui-même de violents. À ses arguments, on en opposa de plus frappants. Il aimait à montrer des cailloux, encore teints de son sang, qu’il avait reçus sur le crâne. Il les gardait comme des trophées.

Mais l’âge calma son effervescence. On raconte qu’un soir, étant à prêcher dans une église, une femme s’approcha de sa tribune en tapinois, et vint lui cracher à la figure. En un instant, vingt bras s’apprêtèrent à l’éconduire :

— Arrêtez, dit Chiniquy, avec un large rire qui épanouit sa figure poupine, laissez-moi plutôt remercier madame d’avoir bien voulu me donner des traits de ressemblance avec mon divin Maîtres… Seulement, une autre fois, crachez moins fort… Allez en paix, et que le Dieu d’amour vous garde !…

Nous avons cité cette anecdote pour montrer que l’Église catholique n’a pas le monopole des martyrs. Nous osons dire que dans ce pays, il y a eu plus de martyrs libres-penseurs et protestants que de martyrs catholiques. Chiniquy fit une large trouée dans le troupeau dont il était jadis pasteur. Ce fut la période houleuse du protestantisme au Canada. La vogue de Chiniquy était à son comble. Mais les Anglais n’aiment guère les convertis, parce que, conservateurs et traditionalistes, ils trouvent inopportun et illogique d’abandonner la croyance des ancêtres. Comme si, il y a quelques siècles leurs ancêtres n’avaient pas apostasié. Ce n’est qu’au soir de sa vie, que le McGill conféra à M. Chiniquy les honneurs du