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Papineau

Les huguenots, surmenés par des siècles de persécutions, éprouvaient un légitime besoin de repos. Ils ne demandaient qu’à faire fructifier dans la paix les qualités d’énergie et d’initiative que la Réforme développe en ses adeptes. Il s’en fallait de beaucoup qu’un fanatisme belliqueux fut l’état d’esprit dominant chez le peuple. Il y eut même des exemples de bon ménage entre les religions catholique et protestante, qui se gardaient comme d’une maladresse de provoquer des conflits entre elles. Catholiques et protestants cohabitaient parfois fraternellement dans les mêmes temples. Les pasteurs, hommes simples, sans extravagances de gestes et de paroles, conciliants et judicieux, se défendaient de toute provocation qui pouvait troubler la bonne entente entre les races.

Mais voilà qu’une vague d’ultramontanisme passe sur le Canada après la révolution de 37 ; elle coïncide avec la recrudescence du prestige de l’épiscopat catholique dans le Canada. Depuis que le clergé avait contribué à la pacification de Québec et que l’Angleterre le considérait comme un allié et n’avait plus rien à lui refuser, les hauts dignitaires ecclésiastiques tranchaient du potentat. Ils ne s’occupaient plus du clergé protestant, dont l’influence négative ne valait pas la peine d’être ménagée. Le « hors de l’Église, point de salut » fut un article important du petit catéchisme, les protestants s’appelèrent « nos frères séparés », les mariages mixtes furent plus rigoureusement défendus. Un catholique ne pouvait assister au service religieux protestant sans pécher mortellement. Quand un protestant faisait fortune, on le plaignait parce « qu’il recevait sa récompense en ce monde », disait-on.

C’est alors que dans les campagnes, éclatèrent ces animosités plébéiennes et brutales suscitées par des fanatiques et des politiciens arrivistes. C’était chez ceux qui se rendaient le moins compte des erreurs de la secte hétérodoxe que les manifestations hostiles étaient les plus violentes. Cet éveil dans les masses d’un sentiment anti-protestant partait d’un mobile assez peu élevé. Depuis plusieurs années, on avait exclu les protestants de la Chambre d’assemblée et des positions publi-