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Le souffle de la Réforme

où jadis les grenouilles se battaient pour se donner de nouveaux maîtres, afin de ne pas troubler la sérénité de l’eau et le sommeil de la gent coassante qui ne dort que d’un œil. On ne reconnaît pas le protestantisme de Zwingle, de Huss, de Wesley, dans cette religion assagie, qui cède sans discuter, tout le terrain qu’on lui réclame. On conteste la validité des sacrements, et cette protestante ne proteste pas. Elle vivote, toujours à la veille de fermer ses portes, avec des déficits qu’on essaie de combler par des aumônes, tandis que sa rivale, dans l’anticipation des célestes félicités, et parce que son règne est aussi de ce monde, nage dans l’abondance de bénédictions tangibles qui sont la juste récompense des serviteurs du Seigneur. Cette tolérance n’a rien pour nous déplaire, mais nous demandons si cette passivité absolue des Églises réformées n’a pas brisé le ressort de leur existence, si elles sont susceptibles encore de ces grands mouvements qui ont bouleversé l’univers ? Cette sorte de fatalisme qui paralyse son action nous rappelle celui des religions de l’Inde, dont cette page de l’un de ses poètes nous donne une idée :

« Que l’homme s’applique à se déprendre des choses et de soi-même, qu’il supprime en soi le désir, l’aiguillon de la vie, que lui-même, maître de soi, vainqueur du vouloir vivre, du principe qui l’assemble et le fait renaître, affranchi de l’égoïsme comme de l’illusion, dédié à ce qui n’est pas lui, charitable, il monte vers l’état suprême où le quitte enfin tout sentiment d’individualité, toute idée, toute sensation particulière, toute conscience de quoi que ce soit ; comme un nuage qui se résorbe insensiblement dans l’univers azur, il s’évanouit ; alors de cet évanouissement il ne laisse rien subsister. »

Avec un semblable idéal, flou et inconsistant, on se demande si les religions ont leur raison d’être ou plutôt de ne pas être.

Il n’y a pas lieu de se chagriner de voir les Églises vivre en harmonie. Cette accalmie, après les massacres de la Saint-Barthélemy, les noyades de Nantes, les guerres de religion en Angleterre et en Irlande, semblait marquer une ère nouvelle dans l’humanité.