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Papineau

M. Chapais peut bien nous montrer à l’appui de ses thèses de conciliation, des adresses où les citoyens célèbrent la douceur du nouveau régime, comme si l’on composait des adresses pour autre chose que pour offrir des fleurs à ceux que l’on veut fêter. Quand même il n’y aurait plus de témoignages écrits parce qu’on les aura fait disparaître pour illustrer le triste état de choses qui régnait dans la Nouvelle-France, au surlendemain de la conquête, la révolution de 37, conduite par des hommes de profession, des marchands, des agriculteurs, et non par des cerveaux brûlés, comme on l’a prétendu, était la conclusion logique d’un quart de siècle de persécutions sourdes, d’injustices flagrantes, de dilapidation éhontée des trésors publics par des émissaires de la cour d’Angleterre. Aussi, en accomplissant cette tâche nécessaire de reconstituer cette époque, la plus tourmentée de notre histoire, il nous semble rendre justice non seulement à une élite intellectuelle et morale, mais à une génération tout entière, sinon à tout un peuple.

Il viendra peut-être un temps où l’on comprendra que la jeune génération a besoin d’un stimulant pour s’exciter à la pratique des vertus civiques. Alors on lui donnera à méditer ces quelques pages de notre histoire qui la réconcilieront avec sa race, car le spectacle de notre dépression morale, de l’actuelle vénalité des hommes est propre à nous donner des nausées et à démoraliser la jeunesse.

On en conclura que ce qui a été possible un temps l’est encore : à savoir que la qualité supplée au nombre, que dix hommes de caractère valent des armées et une flotte. Pour cela, il faut d’abord montrer le fond de l’abîme profond d’où le courage des soldats vêtus d’étoffe du pays nous a tirés.

Aucune génération ne fut aussi outrageusement humiliée, aussi impitoyablement refoulée, aussi inexorablement comprimée. Nous n’avons plus affaire à ces libéraux anglais qui, au lendemain de la conquête, montrèrent cette si belle largeur de vue dont s’émerveille toujours M. Chapais. Imbus des principes philosophiques du dix-huitième siècle, ils mirent une sorte d’élégance à traiter les vaincus avec générosité. Mais