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Papineau

depuis que Louis XV, conseillé par la Pompadour, les avait abandonnés à leur triste sort. La liberté ? mais nous habitons la terre même de la liberté. Elle règne en despote sur la république américaine et nous enveloppe déjà dans les plis de son drapeau étoilé. Le protestantisme ? C’était une religion bien froide pour ce pays de neige, et contre laquelle tout le passé s’insurgeait. Il ne semblait guère désirable aux Français du Canada, de n’être qu’un membre de la grande famille saxonne dominant dans ce continent. Mais par la fidélité aux traditions françaises et à la France elle-même l’avenir lui appartenait. L’exemple de la Louisiane qui a conservé sa langue, mais perdu sa nationalité en s’affaissant sur elle-même, au lieu de maintenir le lien moral qui l’unissait à la France, était un salutaire pensez-y-bien. Il fallait avoir un gouvernement français, des écoles françaises, des lois françaises et se réclamer du pays de la lumière. C’est pourquoi l’Institut fut toujours anti-fédéraliste. Ses membres les plus influents refusèrent de se rallier à une forme de gouvernement devenu une menace pour notre nationalité. Ces esprits éclairés avaient prévu le jour où toute politique dévouée aux intérêts français deviendrait difficile à Ottawa, sinon impossible, le jour où Québec n’aura plus un nombre assez grand de députés pour imposer sa volonté. Dès lors, notre province serait condamnée à être à la remorque de la majorité. Les protestants français et nombre d’Anglais distingués qui avaient le sens de la justice plus prononcé que le jingoïsme étaient également hostiles à la Confédération. Le temps avait également fait son œuvre sur le sentiment anglophobe. Il s’était atténué depuis que l’Angleterre avait rappelé chez elle les tyrans de notre race. L’adoucissement de ses mœurs avait amené l’apaisement de nos rancunes. Les membres de l’Institut étaient des esprits trop éclairés pour conserver de la haine, sentiment anti-philosophique, contre ceux dont les grands-pères avaient troublé la source de la confiance et des bonnes relations entre les deux races. On apprit à mieux connaître l’Angleterre, sinon à l’aimer. En comparant le sort fait au Canada à celui d’autres colonies, ils se montrèrent disposés plus favorablement