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L’Institut Canadien

tra toutes leurs forces pour la conquête et la possession de leur territoire. Envoûtés par leur nationalisme, ils avaient oublié la France, peut-être parce qu’elle ne se souvenait pas d’eux. Mais à mesure qu’ils deviennent plus cultivés, leur patriotisme prend de l’envergure. L’image oubliée, comme sous l’action d’un réactif puissant, se détache de l’ombre. L’âme de la race, comme la fleur du tournesol, se dresse vers la France et implore la lumière nécessaire à la vie. Papineau, revenu de la Mère Patrie, avait emporté dans les plis de son manteau un peu de cet air dont les poumons élargis ont besoin pour respirer. Il ranima le feu éteint de l’amour filial, et fit luire aux yeux de l’élite un nouvel idéal. Le sang, dès lors, reprit ses droits, et les Canadiens-Français commencèrent à avoir foi dans leurs origines, à croire qu’ils pouvaient jouer en Amérique le rôle que la France avait rempli en Europe. Ces âmes ardentes avaient des aspirations bien élevées. Elles se sentaient des ailes assez fortes pour atteindre aux sphères supérieures. Il faut se garder de sourire de leur candeur, de leur confiance dans la mission qu’ils croyaient leur être dévolue. Ils comprirent que, pour arriver à ce but, il fallait non seulement rester français, mais s’assimiler la moelle du génie français et prendre contact avec les productions de ses écrivains. Pour représenter une autorité morale ou intellectuelle sur le continent, ils devaient s’identifier à la nation qui avait donné Pascal, Molière, La Fontaine, Voltaire, Hugo à l’humanité. Pénétrés déjà du rôle qu’ils étaient appelés à jouer sur cette scène immense, ils s’associèrent moralement à la France afin d’échapper au péril de l’assimilation. Si notre province devenait anglaise, elle cessait d’avoir une personnalité, pour se mettre à la remorque des colonies voisines, et devenir la Cendrillon de sept provinces-sœurs. Elle ne pouvait avoir d’influence en Amérique qu’à condition de personnifier l’idée française. Que représentait l’idée anglaise, à ce moment ? La monarchie, une liberté qui lui semblait bonne pour elle-même, et le protestantisme. Rien pour activer les battements du cœur d’un peuple jeune et ardent. La monarchie ne lui disait pas grand-chose,