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La littérature de l’époque

Régner dans la tribune et gouverner l’état !
Ô Papineau, j’ai chéri ta mémoire
Et je ne mourrai pas sans chanter ta victoire.
Ton front n’a pas courbé sous les sceptres des rois.
À ce front plébéien, nivelant la couronne,
Ton cœur n’adore pas le prostitué d’un trône,
Ni ses serviles lois.
Les cœurs de tout un peuple ont frémi d’être esclaves
Et palpitent de liberté :
À la voix de Nelson, la cohorte de braves,
Sous l’immortel drapeau marchant avec fierté,
Sut mêler son sang pur à du sang mercenaire
Dont a rougi nos fers la marâtre Angleterre !
Et toi, brave Chénier, magnanime héros,
Dont la cendre sacrée évoque nos sanglots,
Ton vengeur sortira du sol d’où tu reposes.
Sur le tertre où tu dors, il est des lauriers roses,
Qui devraient couronner ton front.
Dans la foule des morts le trépas te confond.
Mais ces mots à jamais se liront sur ta tombe :
Un martyr gît ici pour qu’une larme y tombe !

Mais celui qui partage avec Papineau les honneurs de son siècle c’est l’historien Garneau. Nous n’avons pas à faire éloge de son histoire du Canada. L’œuvre a été appréciée à sa juste valeur par la critique mondiale. C’est encore la meilleure autorité que l’on puisse invoquer, celle qui nous fait assister à la naissance de l’âme canadienne. Si elle ne peut prétendre à une jeunesse éternelle, elle conserve du moins des chances de durer indéfiniment, s’étant assimilée à notre vie nationale, dont elle est la plus haute expression. L’analyse d’un chef-d’œuvre c’est l’analyse de l’émotion et de l’orgueil qu’il nous inspire. À ce titre, on peut lui donner la première place dans notre littérature. Mais s’il en coûte toujours de mettre un livre au monde, il en coûte encore plus dans ce pays de lui conserver la vie, surtout s’il est rablé et s’il pousse des