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s’insurgeaient contre la tyrannie anglaise qui s’apprêtait à faire du Canada une nouvelle Irlande.

Rien ne faisait prévoir la période de veulerie et d’indifférentisme que nous vivons aujourd’hui. Qui aurait cru que ces hommes granitiques enfanteraient cette génération de flancs mous que nous subissons, en nous demandant si nous sommes au moment critique de la transition, au tournant de notre histoire ; si ce fléchissement des caractères, cette dépression des intelligences est une crise que nous traversons : celle des oiseaux qui muent avant que leur plumage ait repoussé. (Ils sont ainsi : fébriles, la tête sous l’aigle, gonflés et hargneux.)

Ce n’est sans doute qu’une illusion dont notre esprit est dupe. Rien ne s’arrête, rien ne décline, tout change et se transforme dans la vie universelle comme dans le monde des intelligences. L’eau court sous la surface glacée du Saint-Laurent et la sève circule dans la terre quand elle semble morte et ensevelie dans son linceul de neige. Il se peut que cet état d’inertie soit voulu par le destin pour que de si bas nous puissions prendre l’élan qui nous porte aux cimes.

L’indifférence que nous avons manifestée pour le centenaire de Papineau est un des prodromes du mal qui durcit nos artères et rend notre sang lourd et paresseux. N’avons-nous pas raison de dire que le libéralisme est moribond dans Québec ? Si cette grande ombre n’a pu un instant galvaniser ce grand corps languide, nous avons raison de mal augurer pour l’avenir… C’est bien vrai que nous nous payons de mots, que nous nous agenouillons de-