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Papineau

Le père Berrey décréta d’abord que M. Du Calvet serait claquemuré dans l’infirmerie, c’est-à-dire dans le cloaque général où les prisonniers périodiquement et quelquefois par bandes venaient dans les jours fréquents de leurs infirmités et de leurs purgations, se décharger de l’amas de leurs ordures. Mais comme ce n’était pas assez de cette infection, on plaça successivement dans l’appartement supérieur à celui de M. Du Calvet deux fous qui depuis les premiers jours d’avril jusqu’à la fin d’août, dans les excès de leur frénésie, ne lui laissaient nuit et jour aucun repos. Ce vacarme assommant et éternel était ce que le père Berrey, dans ses humeurs outrageusement réjouies, appelait le bal, dont le gouverneur par voie de passe-temps, régalait les oreilles du prisonnier. C’est ainsi que cet homme endurci se faisait un jeu barbare des douleurs d’un malheureux. Mais voici le comble de l’abomination : les excréments dont ces furieux inondaient le plancher se dissolvaient en une pluie empoisonnante, qui, par les crevasses découlaient quelquefois à torrents dans la chambre de M. Du Calvet sans que le père Berrey ne voulut jamais condescendre que durant l’espace de plus de deux années révolues, elle fût lavée et écurée une seule fois aux frais mêmes du prisonnier, tant ce personnage jaloux de sa crasse et de ses ordures, avait peur que la propreté vint à régner dans le plus petit retrait de ses cachots. — Appel à la justice de l’État par Pierre Du Calvet, Londres 1774. (Préface écrite probablement par Pierre Roubeau, ex-jésuite, secrétaire et ami de l’auteur.)

Il est évident que le moine écrivain force un peu la note et « fignole » ses descriptions. Les déjections des deux aliénés qui se grossissent en « torrents » pour assaillir dans sa demeure le prisonnier politique, cela semble un peu exagéré. Il est vrai qu’on lit dans la poésie biblique « montagnes, tressaillez comme des béliers ». Mais l’amplification est une figure qu’on ne tolère plus en histoire.

Lettre d’une religieuse de l’Hôtel-Dieu adressée à son cousin, M. de Salaberry, le héros de Chateauguay.