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Papineau

d’hui la triste destinée de la Province de Québec : tout y gémit sous un joug de fer, la tyrannie y déploie sans ménagement tout l’appareil de ses fureurs ; les pleurs, les gémissements y règnent de toutes parts ; et si diverses circonstances ne mettaient des entraves à une fuite générale, la Province de Québec serait bientôt déserte. Ce qu’il y a de plus atroce c’est que l’auteur de ces calamités prétend les consacrer en se parant du nom de Votre Majesté qu’il représente et en se couvrant de l’autorité Royale, en vertu de laquelle il prétend agir, c’est-à-dire qu’à ne juger de la personne Royale que d’après ses prétentions, du meilleur des princes en lui-même à Londres le général Haldimand en fait à Québec le plus odieux des Souverains par représentation. L’outrage fait au Monarque et à ses sujets est sanglant. Mais placé au-dessus des lois par sa place, le coupable se joue à Québec de toute justice : il y triomphe de son injustice et y jouit avec impunité de ses fureurs.

Bourrelé par les remords cuisants d’une conscience qui le juge et le condamne, le gouverneur Haldimand n’ignore pas la vengeance éclatante que les lois lui préparent à Londres. Il ne peut leur échapper que par une fuite clandestine et honteuse dans sa patrie, pour y aller étaler le spectacle d’une opulence gagnée dans un service qu’il a déshonoré par sa tyrannie. C’est à l’expiration de son gouvernement, en le rendant à sa condition privée, qu’on l’aura conséquemment rendu justiciable des lois.

Sire, la gloire de la Personne Royale de Votre Majesté, la gloire de toute la Nation, celle enfin de la Constitution d’Angleterre réclament hautement pour le punir, ou lui ou moi ; — et moi, si j’ose ici déférer injustement le représentant de mon Souverain même et celui de toute la nation. Avoir représenté au meilleur des princes le droit et la justice opprimés, est un gage assuré de la voir bientôt satisfaite par les voies dignes de sa Sagesse et de son Équité.

Dans un cas d’une conséquence bien moins importante d’un sujet canadien (M. Cugnet, de Québec, en 1762) qui se plaignait, quoiqu’à tort, des invectives outrageantes d’un gouverneur (le général Murray), votre Majesté fit juger juridi-