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La littérature de l’époque

À sa Très Excellente Majesté Georges III, roi de la Grande-Bretagne,

Sire,

Un roi est pour ses peuples ; et ce sont les cœurs de ses sujets qui forment le tribunal où se décide sans appel le genre d’immortalité qui l’attend. Les nôtres ont depuis longtemps prononcé en faveur de votre Majesté. Elle met sa gloire à être le Père de ses sujets. Elle n’estime dans la royauté que le pouvoir de faire des heureux. La Clémence, l’Humanité, la Justice des Rois, toutes les vertus règnent avec elle sur le trône. La reconnaissance publique se charge de transmettre à la postérité le nom de votre Majesté avec tous les transports de l’admiration et de l’amour.

Un Souverain d’un caractère aussi auguste ne mérite que des sujets qui lui ressemblent. S’il députe des officiers généraux pour le représenter dans ses domaines éloignés, ce ne peut être que dans la confiance et la présomption. Tromper des rois si dignes de la Royauté, ce serait trahir la Royauté même en lui imprimant une tache étrangère qu’elle ne serait pas capable d’imprimer elle-même à sa gloire.

Cette trahison, cette dégradation de la Grandeur Royale a osé se produire à la face de toute une colonie anglaise. Un étranger (car un Anglais député pour représenter le meilleur des princes rougirait d’être tyran) un étranger en est le détestable auteur. L’importante province de Québec a été le théâtre où elle a éclaté avec audace à la terreur de tous ses habitants. Le despotisme dans le cœur et un sceptre à la main, le général Haldimand n’y gouverne pas mais il y gourmande les peuples en esclaves.

À la faveur des oppressions les plus atroces, il n’oublie rien pour affaiblir — que dis-je pour briser sans retour — les liens de sentiments qui attachent les sujets au Souverain ; il compromet par ses vexations inouïes, l’honneur de la nation qui met sa gloire à n’avoir dans son sein que des hommes libres et qui ne se doutait pas en l’adoptant qu’elle s’incorporait un tyran résolu à mettre aux fers une partie de ses sujets ; car telle est aujour-