vivent fort à leur aise ; on le voit bien par le prix qu’ils nous vendent leurs produits sur le marché.
— Oui, ajouta la mère, une piastre et demie que j’ai payée encore aujourd’hui pour une pauvre poche de patates. Si ce n’est pas un vrai vol ! On dirait que ces gens-là ne savent pas que la guerre est finie.
— Ah, madame, répliqua Hubert, si vous saviez ce qu’il faut de travail pour la rendre sur le marché cette poche.
— Mais de l’ouvrage, je ne vois pas moi. On sème, et c’est le bon Dieu qui fait le reste.
— Le bon Dieu, oui ; mais il faut, tout de même, lui donner un fier coup de main.
— Ta, ta ! le grand Maître fait pousser chaque brin d’herbe, il peut bien faire pousser une poche de patates.
— Ça, c’est vrai, mais il faut lui aider, insista Hubert.
— Comment, lui aider ! mon cher garçon, c’est lui qui vous a fait tout rond, tel que vous êtes, et lui avez-vous aidé ? Eh bien, les patates, c’est pareil.
— Ah, c’est différent, objecta le jeune homme.
— C’est la même chose. Je ne veux pas dire que vous êtes une patate, ah non, mais s’il a pu vous créer, il peut bien créer une patate.
— En fait-il pousser dans votre cave ? questionna railleusement Hubert.