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la terre ancestrale

légiés déguerpissaient vers la campagne. Le pauvre tâcheron regagnait son logis, mais n’y trouvait ni le repos, ni la fraîcheur. Le manque d’appétit ne lui permettait pas d’absorber la nourriture dont ses muscles auraient eu besoin. Pas un endroit dehors pour y goûter l’air frais du soir. Seulement que la maison étouffante et le trottoir brûlant. Il y avait bien les parcs, mais il aurait fallu avoir la force de s’y rendre.

Hubert était un des acteurs dans cette ruche surchauffée. Il était maintenant lancé dans la vie des ouvriers sans famille. Toute la journée, quand le chômage ne l’obligeait pas au repos, il peinait rudement. Bien que possédant une moyenne instruction, il n’avait pas la pratique des affaires. À deux reprises, il avait pu travailler à la plume, mais son inexpérience l’empêchait de gagner suffisamment pour vivre. Alors, il lâchait la position pour accepter ces gros ouvrages plus rémunérateurs. Depuis l’hiver, il avait tâté un peu de tout : matelot sur le traversier, teneur de liste de paye, charretier, paie-maître, commis-épicier, débardeur, enfin garçon boucher. Toujours à son dernier sou, il payait sa pension et dépensait le reste dans les tavernes. Presque tout son temps libre se passait, avec des camarades de bas étage, à s’abrutir dans l’alcool. Lui jadis si sobre, si fier de sa belle conduite !