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la terre ancestrale

V

Déchéance et relèvement

Dans la ville, le soleil se levait brûlant ; son absence de quelques heures n’avait pas rafraîchi l’atmosphère. Après la nuit, par cette chaleur sans brise, les ouvriers, n’ayant pas dormi, se levaient en se plaignant : « Nous allons encore avoir une journée accablante ; pas un souffle de vent ». Ils déjeunaient sans appétit, puis, d’un pas pesant, le dos courbé, partaient pour l’ouvrage.

Les uns s’en allaient paver des rues sans ombre. Le soleil leur chauffait le crâne à les étourdir ; le pavage, réverbérant la chaleur, brûlait les hommes par tous les côtés. Le travail n’avançait pas vite : les bras étaient mous. Mais le contremaître surveillait.

« Voyons, Morneau ! pousse un peu ; la rue ne se pave pas à la regarder. Holà, Breton ! un peu plus vite ; tu n’es pas payé pour fumer. Écoute Chicoine ! si tu ne veux pas travailler, il y a du monde pour prendre ta place ». Les pauvres travailleurs frappaient du pic l’asphalte qui résistait. Ils n’avaient pas même le loisir d’exécuter en paix leur pénible tâche ; à chaque instant : gare à la voiture, au tramway, à l’auto, au piéton.