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la terre ancestrale

aurais-je fait de ma soirée, aujourd’hui ? Dormir comme les vieux, ou m’ennuyer comme Adèle. Au lieu de cela, je me suis fièrement amusé. Le père travaille dur, oui, mais le vieil entêté n’a qu’à vendre. Jeanne est une belle et bonne fille, surtout quand on n’en a pas vu d’autres. Mais quand on a passé quelques mois à Québec, on la trouve engourdie près des citadaines. C’est curieux :… est-ce que je n’aurais plus envie de l’aimer ? Pourtant, je me serais fait tuer pour elle autrefois. On serait bien scandalisé, chez nous, si on connaissait mon genre de vie. Bah ! elle n’est pas si mauvaise après tout : je ne fais de mal à personne. C’est vrai que dans ma paroisse les gens s’épouvantent de peu. Là-bas, je passerais pour un diable ; ici, on me considère comme un bon garçon. Enfin, je suis content de mon sort ; que Dieu les protège à la maison. À chacun de courir sa chance dans le monde. N’empêche que la Jeanne est une charmante fille ».

À la suite de ces réflexions décousues, Hubert, lourd d’ivresse, s’endormit.