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la terre ancestrale

se dessine un égrenage de chalets multicolores. Dans le havre, formé par l’estuaire de la rivière Renouf et protégé par un brise-lames, se balancent yachts, chaloupes et canots. De là, une longue laisse s’étend vers l’orient jusqu’au cap Damours, énorme rocher avec une touffe d’arbres pour aigrette. La vue se reportant plus loin, à l’ouest, distingue l’Isle aux Pommes, basse, nue, presque invisible. En deçà, l’Isle aux Basques pareille à un gigantesque caïman endormi sur les flots. Tout près, en face, l’Islet Drapeau, grand rocher plat, encadré de broussailles et recouvert d’une mince couche de terre arable. Un étroit canal le sépare de l’Islet Damours semblable, avec sa couverture de résineux, à une énorme émeraude sur une plaque de cristal. Plus loin, vers l’est, la Petite Razade surmontée d’une grande croix : et tout à l’orient, la Grande Razade, solitaire et mystérieuse. Au nord, par delà le fleuve, les Laurentides, long ruban bleu, ferment l’horizon.

Il embrassait ce tableau d’un seul coup d’œil, Jean Rioux, en montant de la grève vers le chemin public. Dans son rêve, des autres visions voltigeaient aussi. Il songeait à ce sol, jadis forêt vierge, défriché par un homme de son nom et de son sang, agrandi, amélioré de père en fils pendant plusieurs générations, pour parvenir en ligne directe jusqu’à lui. Aussi, il se sentait bien le maître de sa