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la terre ancestrale

parti pour la forêt. Adèle devait conduire son frère à la station. Le jeune homme attela lui-même le cheval. Au moment du départ, sa mère, toute en larmes, l’embrassa tendrement et lui dit : « Tâche au moins de ne pas oublier ta religion et de bien te conduire. Ton père t’a dit qu’il ne voulait plus te revoir si tu partais ; mais quand tu voudras revenir, ne pense pas à ses paroles. Tu sais, ton père, quand il est fâché, il dit bien des choses qu’il n’a pas dans le cœur. Écris-nous souvent ».

Il faisait un matin gris, humide et froid, une température qui respirait l’adieu. Sur la route, le frère et la sœur n’avaient rien à se dire. Hubert, avec la mine et le sentiment d’un coupable, devinait des reproches tout autour de lui : dans chaque objet familier, dans chaque bruit qu’il entendait. Aussi, il avait hâte d’être sur le convoi, pour échapper à cette obsession. Les passants, intrigués, se retournaient pour les mieux voir. Les femmes qui, au son des grelots couraient aux fenêtres, se disaient : « Tiens Hubert et Adèle Rioux qui passent avec une malle ! Où vont-ils, qui part donc des deux ? ». Les commentaires allaient alors leur train, et de déduction en déduction, les braves commères finissaient par découvrir ce qu’elles croyaient être la vraie solution. Aussitôt arrivée à la station, Adèle s’en retourna ; le froid était trop vif pour qu’elle