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la terre ancestrale

t’a vu naître, demeure parmi les tiens, à l’ombre du clocher qui, si joyeusement, proclama ton arrivé dans un monde chrétien.

Et puis, tes vieux parents, il me semble que tu leur dois pourtant quelque chose. Tu ne vois donc pas l’atroce douleur que tu leur causes ; tu ne prévois pas que ton départ peut les tuer ? C’est aussi un vrai crime envers tes descendants que tu veux commettre. À cause d’eux surtout, tu dois rester. Au lieu d’enfants moralement et physiquement sains, tu te prépares à fonder une famille élevée entre quatre murs, et qui se défonceront la poitrine dans des manufactures empestées. Au lieu d’en faire des rois sur leur propriété, tu veux en former des serviteurs, presque des esclaves d’un maître qui, ne les connaissant souvent pas, n’en est que plus inexorable. Eux ne seront pas comme toi libres de choisir, car nés dans la ville, ils y vivront sans jamais concevoir la belle vie qui se mène en dehors de ses murs, et sans même y rêver. Tes petits-fils déjà, ignoreront que dans Trois-Pistoles existe un domaine digne d’un seigneur ; ils ne sauront pas que pendant trois siècles, la même famille, de père en fils, le posséda, contribua à l’embellir pour le leur livrer. Par ta faute, ce domaine ne leur appartiendra pas ; par ta faute ils crèveront dans les usines, au lieu de vivre heureux dans l’air pur, au