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la terre ancestrale

de ta famille depuis l’abatage du premier arbre. As-tu bien songé à toutes les misères endurées par ces hommes pour fonder un patrimoine à leurs descendants ? Toi, laisser l’héritage des aïeux tomber en d’autres mains ; mais tu serais comme un prince abandonnant le royaume de son père à des peuples étrangers. C’est un devoir pour toi que de continuer la suite des maîtres de même sol ; et tu dois surtout garder cet héritage à tes descendants. Tu n’as pas le droit de te dépouiller de cette noblesse terrienne que trois siècles ont établie ; il t’est défendu de jeter cette sève vigoureuse dans le tourbillon des villes. N’oublie pas que sa plus sûre garantie de vigueur réside dans son contact quotidien avec le sol natal. La campagne est la plus grande pourvoyeuse des villes : elle les alimente de matériel humain. Malheureusement, la ville est un gouffre : les pousses les plus vigoureuses s’y étiolent après la deuxième génération ; et combien d’infortunés y sombrent peu après y avoir été transplantés. La campagne, la grande, l’inépuisable productrice de la nation, remplit toujours les vides, mais à son détriment. Laissons à ceux qui s’y croient obligés, ou pensent ne pouvoir vivre dans leur paroisse, laissons à ceux-là le soin d’aller révivifier la population des villes. Mais toi qui n’a aucune raison d’y aller, toi dont le devoir est tout écrit, reste sur le coin de terre qui