Page:Côté - La Terre ancestrale, 1933.djvu/35

Cette page a été validée par deux contributeurs.
35
la terre ancestrale

vivre à la ville ! Mais perds-tu la tête ? Deviens-tu fou ? Voyons, mais tu veux plaisanter.

— Il y a longtemps que je voulais vous avertir de mon départ ; la culture, je ne puis plus la sentir.

— Comment, tonnerre et déshonneur ! c’est sérieux ; et c’est Hubert qui parle ainsi, un de mes fils, un garçon que j’ai élevé, le cadet des enfants de Jean Rioux, celui qui doit me succéder comme moi au vieux père ! Et j’ai vécu pour voir cela, moi ; pour voir le déshonneur attaché à mon nom. Va-t-il falloir que sur mes vieux jours, j’aie honte de passer sur le chemin ! Et dire que j’ai amélioré la terre pour toi, pour te la rendre plus attrayante, plus productive. Avais-je bien besoin de tant trimer ? J’en avais bien assez pour mes vieux jours. J’ai cependant continué le dur travail afin d’augmenter ton bien ; je me suis cassé la tête et les bras pour appliquer à la culture les méthodes modernes. J’ai voulu te doter de la plus belle terre de la paroisse et j’y ai réussi. Regarde-le donc ton héritage, malheureux ! avant de devenir ingrat ; regarde les bâtisses ; peux-tu trouver plus de propreté et de confort ? regarde les chevaux, les troupeaux ; toutes des bêtes racées ; regarde les champs ; y vois-tu une clôture croche ou branlante, y découvres-tu des mauvaises herbes, des cailloux épars ? C’est partout un délice pour les yeux. Malgré tout cela, toi, tu