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la terre ancestrale

qu’à moi ; que mon sol pouvait encore nourrir son maître. Je lui ai demandé s’il me croyait plein de dettes et obligé de vendre. Il m’a répondu qu’il ne voulait pas m’insulter, mais que désirant établir un de ses garçons et trouvant ma terre bien belle, il voulait me la payer gros prix et comptant. Je lui ai rétorqué que si elle était belle pour lui, elle l’était encore plus pour moi ; et lui ai conseillé d’aller voir Charles Morin qui n’a pas pu garder un garçon avec lui.

— Combien t’offrait-il ? demanda la mère.

— Je n’ai pas pris la peine de le lui demander.

— Il aurait été utile de le savoir, reprit le fils, peut-être vous eut-il offert plus qu’elle ne vaut.

— Plus qu’elle ne vaut ! crois-tu donc que de l’argent puisse valoir notre patrimoine ?

— Cela dépend du goût qu’on a pour lui. Vous commencez à vieillir, et moi, j’aime autant vous le dire pendant qu’on en parle, je ne me sens pas d’attraits pour la culture ; ce qu’il me faut, c’est un bon métier à la ville ; là on peut se remuer et faire de l’argent.

Enfin, le gros mot était lâché. Surpris de sa propre hardiesse, le jeune homme se sentait tout de même soulagé par son aveu. Le père, d’abord interdit, le visage crispé, la bouche ouverte, mais sans paroles, éclata soudain :

— Hein ! Quoi ! Comment ! Vendre la terre ! Aller