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la terre ancestrale

la tête ; sous la honte et le chagrin, il paraissait écrasé.

Devant cette vision du fleuve, cette apparition de ses héroïque ascendants, Hubert découvrit un aspect de l’existence qu’il ne connaissait pas, une parcelle de son âme qu’il n’avait pas explorée : il comprit qu’il était rivé à ce sol par la puissance de son lignage. À ce nouveau contact avec la terre natale, avec l’horizon qu’elle embrasse, il sentit, vers son cœur, monter une sève nouvelle qui lui fouetta le sang, l’obligea à rentrer dans la vaillante cohorte Mais la victoire de l’atavisme n’était pas complète, car une blessure béante existait encore, qui pouvait compromettre toute la guérison.

Le benjamin de la race éprouva tout à coup une vigueur, une puissance de décision dont il ne se serait pas cru capable. S’arrachant à l’obsédante attraction, il se dirigea vers les bâtisses, allant tout droit vers un but déterminé. Dans le verger de Michaud, il aperçut sa voisine mettant la dernière main aux travaux de l’automne. En deux pas, il fut devant elle. Interdite, la jeune fille hésita : devait-elle le féliciter de son retour ou lui reprocher sa défection ?

— Jeanne, lui dit-il, je remplacerai désormais chez nous ceux qui sont partis ; voudrez-vous m’aider comme vous étiez prête à le faire jadis ?

Elle le regarda dans les yeux, le trouva transfiguré.

— Hubert, lui répondit-elle, puisque vous êtes redevenu