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la terre ancestrale

IX

Résurrection

De retour du cimetière, Hubert Rioux n’osa pas entrer à la maison. Pourtant, sa mère et sa sœur y pleuraient. Il ne se sentait pas le pouvoir de les consoler, car il avait besoin lui-même de réconfort. Il avait honte de paraître devant les femmes affligées, lui qui s’obstinait à ne pas vouloir les secourir dans leur détresse. Machinalement, il se dirigea vers la grève. Sans s’en apercevoir, il s’arrêta sur le sommet de la côte qui surplombe le fleuve, s’appuya à la clôture et regarda droit devant lui. À ses pieds, le Saint-Laurent coulait, tout émaillé de ses îles et dirigé par la mince rayure bleue des Laurentides. Le Saint-Laurent, que ses riverains regardent à tous moments du jour, près duquel ils vont pleurer ou se réjouir, qui endort leurs peines et décuple leurs joies, qui les rend moroses ou gais, selon qu’il est colère ou calme ; vers lequel leurs regards se portent avant de se mettre au lit, et le matin en se levant ; dont ils emportent en eux la vision et qui les ramène sur ses rives ; le témoin de leurs ébats enfantins, de leurs plaisirs de jeunesse, de leurs joies d’âge mûr, de leurs satisfaction de vieillard ; le Saint-Laurent qui leur fait une âme de poète, qui