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la terre ancestrale

Quand on vit paraître la jeune fille, avec son port noble et fier comme une cause sublime, avec son air de chef qui commande ; les yeux humides, mais brillants de l’ardeur de son âme, on resta surpris, mais on crut, qu’en parlant de son père, elle s’était attendrie plus que de raison. Nul ne se doutait du serment qu’elle venait de prononcer, ni de sa renonciation aux plaisirs du foyer, aux joies de l’épouse et de la mère, pour se consacrer à la grande amie des siens, à la terre ancestrale. Plusieurs se demandaient si Hubert Rioux resterait, et ce que deviendrait la terre après son départ. Quelques-uns, escomptant la nécessité de vendre, la convoitaient déjà, espérant l’acheter pour un prix modique. On fut un peu étonné d’entendre Adèle s’informer si Jules Leblond, un ouvrier agricole, viendrait travailler pour elle. On le fut encore plus quand, vers dix heures, on la vit se rendre à l’étable, et promener sur les troupeaux le regard inquisiteur du maître.

Un seul, Paul Lavoie, l’ancien fiancé, vaincu par un amour plus grand que le sien, devina avec son cœur, l’irrévocable décision que la jeune fille avait prise.

Pour la mère, il n’y avait ni surprise, ni énigme à déchiffrer. Autant elle ne doutait pas de sa foi, autant elle était certaine que même sans son fils, il y aurait toujours un maître. Tout comme la rivière qui, après une crue de ses