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la terre ancestrale

paroles d’anathème qu’il sentait planer dans l’ambiance du mort ? Devait-elle apparaître muette, mais la colère dans le regard, avec l’atroce accusation émanant de sa figure ? Dans son désarroi, son être, rétrogradant vers l’enfance, vers cet âge plus faible, intérieurement cria : « Maman ! »

Celle-ci, réfugiée dans sa chambre, son asile, priait pour le compagnon de sa vie. Avec l’intuition d’une mère, elle devina, au bruit qu’elle entendit, que son fils, son enfant coupable, arrivait. Sa douleur, devenant alors plus tangible, augmenta ; la détresse de sa famille lui parut plus grande, parce que moins, innocente. Elle se recueillit quelques instants ; sa prière, plus ardente, implora Dieu avec plus d’ardeur. Comme si le père de ses enfants avait pu l’entendre avec ses oreilles de chair, elle lui parla à voix basse, l’implora, l’admonesta même en lui rappelant les paroles du Pater, lui demanda de lui communiquer l’énergie dont il avait toujours fait preuve ; et plus forte, se leva.

Les assistants virent, traversant la pièce commune, cette femme simple qui n’avait toujours vécu que pour les siens, qui ne s’était jamais occupée de ce qui se passait en dehors du cercle de sa famille, cette femme du peuple qui n’avait jamais analysé les impressions de sa grande âme ; ils la virent, pâle, dans sa robe de deuil, avec sur le visage une expression toute nouvelle. C’était la douleur coura-