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la terre ancestrale

ments, une poignante appréhension le saisissait. Il voyait son père mort, la maison en deuil, la famille en pleurs. Il s’imaginait les jours qui précèdent l’enterrement, puis la sépulture elle-même et le triste retour à la maison. Alors, il se secouait, se disait que d’une maladie bénigne on lui faisait un épouvantail pour le faire revenir.

Pendant le cours de ces réflexions, le convoi roulait toujours. Bientôt, dans l’aube naissante, le jeune homme, sans pouvoir maîtriser un frisson, reconnut les paysages familiers à son enfance. À peine se dessinaient-ils dans les brumes du matin, dans l’obscurité incomplètement vaincue par le jour. Droit devant lui, au-dessus des montagnes de Saint-Simon, les nuages s’éclairaient. Plus élevés que le sol, ils recevaient avant lui les rayons du soleil, s’en paraient comme d’une gaze empourprée, annonçant ainsi aux hommes l’apparition de l’astre. Peu à peu, le pourpre tourna à l’orange, puis au jaune de l’or. Soudain, cette vapeur colorée disparaissait, comme absorbée par le soleil levant.

Hubert n’avait pas encore tout regardé, que déjà le train s’arrêtait à la station. Le jeune homme sauta sur le débarcadère. Sans même regarder s’il y avait des personnes de sa connaissance, préférant n’en pas voir, timide de nature, se sentant un peu coupable, il partit à grands