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la terre ancestrale

il y en a pour tout le monde. Tu peux conduire les chevaux, travailler aux abattoirs, même apprendre un métier ; et, avec un peu de chance, peut-être conduire les « petits chars ». À part cela, ton instruction n’est pas mauvaise : c’est un gros atout. Ce qu’il y a de beau : quand ta journée d’ouvrage est finie, elle est bien finie. Tu t’habilles proprement pour sortir et tu parais aussi bien qu’un avocat.

— Je te crois ; cependant lorsqu’on doit payer pour tout : la pension, le logement, les habits, il en faut de l’argent. Ici, je n’ai rien à débourser.

— Oui c’est vrai : il en faut, mais on en gagne aussi. Tous les samedis tu reçois ton salaire et tu t’amuses avec tes « poches » pleines. Inutile de serrer la poigne, la semaine suivante tu en recevras tout autant.

— Ici non plus je n’en manque pas ; le père m’en donne à mon gré.

— Bon ! la voilà la bonne affaire : quémander le vieux pour chaque trente sous dont tu as besoin. Après tout, quand tu en aurais à la charge de l’argent, qu’en ferais-tu, comment la dépenser dans les champs de foin ?

— Pour ça c’est vrai, il n’y a pas d’amusements. Ah, je ne détesterais pas la ville, tu sais ; mais c’est de me trouver de l’ouvrage qui m’assomme.