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la terre ancestrale

possède.

— C’est bon pour les hommes, répliqua madame Michaud, mais les femmes y ont la vie autrement rude que les citadaines.

— Écoute, ma vieille, ne va pas te figurer que la mère de famille, dans la ville, passe son temps à se promener sur la rue. Je te dirai même qu’un grand nombre ne peuvent sortir que pour aller à la messe. Le reste du temps, elles le passent entre quatre murs sombres, sans jamais voir le soleil, à se casser la tête, à ménager sur la nourriture, afin de rattacher les deux bouts. Les filles entrent à la fabrique à quinze ans et leur misère continue. Ici, nos filles sont toujours en vacance, Mais, ma chère femme, va voir la figure pâle de l’ouvrière, à la ville ; ensuite regarde-toi dans le miroir ; vois ta fille, et dis-moi si ces femmes-là font une plus belle vie que toi.

L’épouse, conquise par cet hommage à sa fraîcheur, devint prête à toutes les concessions. La taquinerie du père avait déridé tout son monde.

— Ah bien moi, conclut la mère, je ne sais pas, je ne répète que ce j’entends dire par les autres, mais je n’ai jamais vécu dans la ville.

— Que Dieu te continue cette grâce, dit le mari en riant.