Page:Côté - La Terre ancestrale, 1933.djvu/104

Cette page a été validée par deux contributeurs.
104
la terre ancestrale

que je ne l’aie pas su dans le temps ! J’ai presque envie de te la donner quand même. Et Louis, avec sa petite figure d’ange ! qui s’en serait imaginé ? Dire qu’il a l’audace de venir diner ici presque tous les dimanches ; on croirait qu’il ne m’a jamais rien fait.

Tous les assistants riaient aux éclats.

— Bon, dit Hubert, je m’amuse beaucoup, mais il faut songer à demain ; autrement, monsieur Dion sera obligé d’agir à la façon du père Tancrède Bérubé.

— Qu’était donc ce père Tancrède ? questionna madame Dion.

— C’était un vieux de par chez nous qui aimait à se coucher de bonne heure. Comme il était le père de jolies filles, la maison était fort achalandée par les amoureux. Or, le père Tancrède, homme prudent, tenait aux bonnes mœurs. La mère dormait toute la soirée dans sa chaise berçante ; ce n’était pas une sûreté. Alors, le père imagina un stratagème : Sur le coup de neuf heures, il s’installait devant le poêle et fendait le bois d’allumage pour le lendemain ; puis : « Puce, va dehors avant de te coucher, » il faisait sortir la chatte. Ensuite il grimpait sur une chaise et, à grand bruit, remontait l’horloge.

Les visiteurs eurent vite compris ce que signifiait ce manège et décampaient au premier coup de hache sans même