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la terre ancestrale

Continuant son rêve, il voyait déjà le jeune couple à la direction de la ferme. Lui, plus vieux, moins acharné au travail, n’aiderait plus guère alors que de ses conseils.

Enfin, le vieux avec ses songes, Hubert avec ses illusions de jeunesse, le cheval avec sa charge, tout arriva bientôt à la grange. Les femmes avaient déjà commencé la traite. Assises sur de petits bancs, contre le pis des vaches, la chaudière entre les genoux, elles travaillaient en fredonnant un refrain du terroir. Les filets blancs giclaient au fond des vases. Leur bruit, d’abord métallique, s’amortissait, décroissait de plus en plus avec la montée du liquide dans les vaisseaux. Les vaches, paisibles, indolentes, d’un coup de langue se bavant sur la croupe, attendaient chacune leur tour, avec la patience d’une brute qui ne pense pas. Peut-être aussi voyaient-elles encore les grands prés, avec l’herbe succulente dont elles étaient saoules. L’astre de lumière, effleurant les Laurentides, éclairait encore cette scène, mais d’une clarté plus, diffuse, plus discrète, plus douce pour les yeux.

L’ouvrage du jour terminé, le repas pris, Hubert fit un brin de toilette.

— Tu sors, mon garçon ? questionna la mère ; tu as fourni une grosse journée de travail, tu ferais peut-être mieux de te reposer.